I°/ Les
filières énergétiques
Tout effort nécessite une dépense énergétique.
Celle-ci varie selon le type d'effort produit en fonction de sa durée et
de son intensité.
Il existe trois filières énergétiques différentes
qui interviennent selon trois mécanismes distincts pour fournir selon
chaque type d'effort le "carburant" nécessaire au
fonctionnement du "moteur humain". Chaque processus
d'intervention se caractérise par des principes physiologiques
spécifiques.
Le fonctionnement des muscles : l'A.T.P.
(Adénosine triphosphate)
Les muscles produisent un travail mécanique grâce à la
transformation de l'énergie potentielle contenue dans l'A.T.P. Cependant,
les réserves d'A.T.P. dans les muscles sont très faibles et seraient
épuisées très vite au moindre effort. Le rôle des processus
énergétiques est justement de permettre la recharge énergétique des
muscles selon chaque type d'effort.
L'effort anaérobie alactique
Le processus anaérobie alactique intervient lorsque
l'effort produit par le cycliste est très court (5-20 secondes) et
d'intensité maximale : c'est le cas d'un sprint. Ce processus utilise la
dégradation de la créatine phosphate (phosphocréatine), sans production
d'acide lactique, d'où le terme " alactique ". La puissance
développée par cette filière est très importante mais sa capacité
(durée de fonctionnement) est très réduite (5-20 secondes grand
maximum).
L'effort anaérobie
lactique
Le processus anaérobie lactique intervient pour des
efforts courts et très intenses comme un début d'échappée, une
poursuite, un prologue ou un kilomètre départ arrêté sur piste par
exemple. Il utilise le glycogène musculaire mais cela entraîne la
production d'acide lactique (lactates) qui entraîne de fortes douleurs
musculaires et limite ainsi ce type d'effort. La puissance de cette
filière est importante mais sa capacité est réduite (20 secondes - 3
minutes maximum).
L'effort aérobie
Le processus aérobie intervient pour des efforts longs à
intensité faible ou moyennement élevée : c'est le processus qui
intervient le plus dans le cyclisme sur route. En effet, la majeure partie
des courses ou des sorties d'entraînement fait intervenir ce processus.
Il utilise la dégradation des sucres (intensité assez élevée) et des
graisses (intensité faible) en présence d'oxygène (d'où le terme
" aérobie "). Théoriquement, il ne produit aucun déchet : sa
seule limite est l'épuisement des réserves en sucres et graisses. En
pratique, on constate la production en faible quantité d'acide lactique
au-delà d'une certaine intensité (75% de la fréquence cardiaque
maximale). La puissance de cette filière est faible à moyenne mais sa
capacité est énorme (plusieurs heures).
Voici un tableau résumant les filières
énergétiques : |
EFFORT |
ANAEROBIE
ALACTIQUE |
ANAEROBIE
LACTIQUE |
AEROBIE |
CARBURANT |
A.T.P.
+ Créatine phosphate
(faibles quantités) |
Glycogène
musculaire |
Sucres
et graisses |
INTERVENTION |
Immédiate |
15''
à 30'' après le début de l'effort |
Quelques
minutes après le début de l'effort |
DISTINCTION
PHYSIOLOGIQUE |
PUISSANCE
(très élevée) |
CAPACITE
(faible) |
PUISSANCE
(élevée) |
CAPACITE
(réduite) |
PUISSANCE
(faible) |
CAPACITE
(importante) |
DUREE |
4''
à 7'' |
7''
à 20'' |
20''
à 45'' |
45''
à 3' |
3'
à 7' |
7'
à plusieurs heures |
FACTEUR
LIMITANT |
Epuisement
des réserves |
Acide
lactique |
VO2max |
Réserves
énergétiques : sucres et graisses |
RECUPERATION |
Très
rapide : 5' à 15' |
Rapide
: 1h à 3h |
Longue
: 12h à 72h selon durée et intensité de l'effort |
|
II°/ La
fréquence cardiaque
Comme nous l'avons vu précédemment, les muscles ont
besoin de carburant (oxygène, sucres, graisses…) : celui-ci leur est
apporté par la circulation sanguine. Lors d'un effort, les muscles ont
besoin de plus de carburant qu'au repos. Donc, afin d'augmenter les
apports d'oxygène et d'énergie aux muscles, le débit sanguin augmente.
Pour cela, le volume de sang éjecté par le ventricule gauche du cœur
augmente et, surtout, la fréquence cardiaque s'accélère
proportionnellement à l'intensité de l'effort. On observe que dès le
début d'un effort physique, la fréquence cardiaque s'accroît
brutalement jusqu'à environ 100-110 pulsations/minute (PM, en abrégé).
Puis, l'accélération de cette fréquence se fait proportionnellement à
l'intensité de l'effort…
La fréquence cardiaque de repos se mesure le matin au
réveil ou en restant allongé quelques minutes : elle est généralement
de 60 à 80 PM chez les sujets sédentaires mais il n'est pas rare de la
voir à 40 PM ou moins chez les coureurs cyclistes de haut niveau (Pantani
et Coppi : 35 PM). La fréquence cardiaque de repos est un bon indicateur
de l'évolution de la forme : une diminution de la FC de repos dénote une
forme ascendante (attention, une fréquence cardiaque de repos basse ne
signifie pas qu'un coureur est meilleur qu'un autre chez qui elle est plus
élevée !). Il est conseillé de prendre son pouls chaque matin au
réveil. La fréquence cardiaque maximale se calcule empiriquement par la
formule assez imprécise : 220-âge. Mais chacun est particulier et il est
préférable de la calculer en faisant un effort maximal dans une côte
suffisamment longue par exemple (après un bon échauffement !) ou lors
d'un électrocardiogramme d'effort dans un centre médical. Cette
fréquence maximale peut être augmentée grâce à des efforts proches du
maximum à l'entraînement.
On mesure les différentes intensités cardiaques (et donc
de l'effort) en pourcentage de la réserve de fréquence cardiaque (= FC
max - FC de repos) auquel on ajoute la fréquence de repos. Ainsi,
lorsqu'on dit " 70% de la fréquence cardiaque maximale ", il
s'agit en fait de : 70% de la réserve de fréquence cardiaque + la
fréquence cardiaque de repos Ainsi, pour un coureur qui a une FC max de
200 et une FC de repos de 50, cela fait : [0.7x(200-50)]+50 = 155
Des expériences effectuées sur le terrain sur de
nombreux coureurs cyclistes ont permis d'établir deux seuils importants :
~ le seuil aérobie se situe à 70% de la FC max : de
l'acide lactique apparaît en faible quantité à partir de ce seuil
~ le seuil anaérobie se situe à 85% de la FC max : à
partir de ce seuil, l'effort sera limité par la production en quantité
importante d'acide lactique On établit surtout cinq zones cardiaques
d'effort qui seront essentielles pour l'entraînement : |
<(40-50%
de réserve de FC) + FC de repos |
REPOS
ACTIF (RA) |
(40-50
- 70% de réserve de FC) + FC de repos |
ENDURANCE
DE BASE (EB) |
(70
- 85% de réserve de FC) + FC de repos |
ENDURANCE
MAXIMALE AEROBIE (EMA) |
(85
- 92% de réserve de FC) + FC de repos |
PUISSANCE
MAXIMALE AEROBIE (PMA) |
(92
- 100% de réserve de FC) + FC de repos |
ANAEROBIE
LACTIQUE - ALACTIQUE (AL - AA) |
|
On observe par ailleurs que la
respiration s'accélère quand l'intensité de l'effort augmente mais,
au-delà du seuil anaérobie (à peu près), la consommation d'oxygène
n'augmente plus : c'est la consommation maximale d'oxygène ou VO2 max.
Cela signifie qu'au-dessus de 85% de la FC max, l'effort se fait en
anaérobie et qu'il ne pourra se poursuivre que quelques minutes à cette
intensité : c'est la " zone rouge ". Donc, un effort de
contre-la-montre devra se faire juste en dessous de la limite, au seuil
anaérobie, pour ne pas " exploser "…
Il est essentiel de connaître les 5 zones d'intensité
pour savoir s'entraîner de manière intelligente. La mesure du rythme
cardiaque est indispensable durant l'entraînement si l'on veut que
celui-ci soit le plus précis possible. Il est donc vivement conseillé
aux coureurs qui souhaitent bien s'entraîner de posséder un
cardiofréquencemètre. |
|
III°/ La
surcompensation
Ce phénomène physiologique est essentiel pour la
pratique du cyclisme : il est au cœur de la démarche d'entraînement. Le
corps humain perçoit l'effort physique comme une " agression "
contre laquelle il doit se défendre. En effet, un effort physique
engendre de la fatigue qui se traduit par de nombreux désordres chimiques
au sein de l'organisme et un épuisement des réserves énergétiques…
Pendant une période de repos variable, une récupération complète des
réserves s'effectue, puis cette récupération dépasse la valeur
antérieure à l'effort : c'est la surcompensation.
L'entraînement n'est donc efficace que s'il est suivi
d'un temps de repos permettant la surcompensation. Tout le processus
d'entraînement visant à la progression du niveau du coureur se base donc
sur ce phénomène. (ici, graphique surcompensation) Encore faut-il savoir
quel est le temps nécessaire à cette surcompensation : on admet
généralement que la surcompensation maximale suivant un effort de 3 à 4
heures est de 48 heures. Aussi, la surcompensation est plus courte pour
des efforts brefs et très intenses (anaérobie). Mais chaque coureur a
des durées de surcompensations différentes : ainsi, lorsqu'un coureur
s'améliore, il récupère mieux…
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Schématisation de la surcompensation
|
Voici différents cas de figure
qui illustrent le phénomène de surcompensation…
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Le " sous-entraînement
"
Lorsque l'entraînement du coureur est interrompu (maladie, chute, etc…),
l'effet de surcompensation diminue pour finalement descendre sous le
niveau de base |

Illustration d'une perte des acquis résultant d'un
sous-entraînement (récupération trop longue ou mal adaptée)
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Le "
sur-entraînement
"
A l'inverse, lorsque les charges d'entraînement se succèdent sans que
l'organisme ait suffisamment de temps pour récupérer, le coureur est en
" sur-entraînement ". Cet état peut notamment se détecter par
une baisse prolongée des résultats, une hausse du pouls au réveil, un
sommeil perturbé, un manque d'appétit… Il est donc primordial de
veiller à bien récupérer après chaque séance d'entraînement ou
compétition. |

Sommation d'entraînements sans une récupération
suffisante débouchant sur une perte des acquis
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Entraînement en récupération
complète
Cela consiste à placer la charge d'entraînement suivante au maximum
de l'effet de surcompensation en attendant que la récupération de la
précédente charge ait été effectuée.
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Succession d'entraînements avec une récupération
adaptée permettant la progression du coureur
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Entraînement en récupération
incomplète
Plusieurs charges d'entraînement se succèdent sans que la
récupération de chacune soit complète mais, après quelques charges
enchaînées de cette manière, une récupération plus longue s'effectue
afin d'obtenir un effet dit de " super-surcompensation ". Cette
méthode de répétition d'efforts est plus efficace encore que la
récupération complète mais elle s'adresse à des cyclistes qui se
connaissent bien car le risque de surentraînement est réel. C'est la
super-surcompensation que les professionnels recherchent lorsqu'ils
disputent des courses par étapes d'une semaine pour préparer un objectif
se situant dans la quinzaine qui suit la fin de l'épreuve. |

Successions de 2 entraînements en récupération
incomplète permettant une "super-surcompensation"
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Entretien des qualités
Une fois atteint un certain niveau de forme, pour éviter de sombrer
dans le surentraînement, un travail d'entretien est nécessaire. Les
charges d'entraînement sont placées dans la période située à la fin
de la surcompensation (mais pas trop longtemps après afin d'éviter le
sous-entraînement).
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Travail d'entretien des qualités
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